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“Chercheur en quoi ? En ouvrages”

La fameuse rengaine sur le “retard” scientifique (ou autre) de la France prend parfois tout son sens quand on travaille sur un domaine d’étude spécialisé.

C’est souvent marquant quand on observe le marché de la traduction, certains textes ultra-classiques prenant des dizaines d’années à être traduits en langue française.

Parfois, c’est assez marquant dans la disponibilité des ouvrages. L’ouvrage majeur sur la réforme des systèmes de santé en Amérique du Nord est sans aucun doute celui de Carolyn Tuohy, Accidental Logics. Le catalogue national SUDOC n’en trouve que… deux copies, dont zéro en institution de recherche : le premier exemplaire est à l’ESSEC, le deuxième à la FNSP (Sciences Po) mais il a été perdu.

À l’heure actuelle, les bibliothèques universitaires d’un pays industrialisé avec un déficit structurel record dans sa branche assurance-maladie ne possèdent qu’un seul ouvrage du livre d’une auteur contemporaine classique, reconnue par ailleurs pour son influence extra-universitaire sur les pouvoirs publics.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
François (22 octobre 2009). “Chercheur en quoi ? En ouvrages”. Polit’bistro. Consulté le 17 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/sykw


5 réponses sur « “Chercheur en quoi ? En ouvrages” »

  1. Deux grandes réponses qui expliquent – sans excuser – cet état de fait

    1/Les conservateurs sont nommés dans des bibliothèques sans aucun égard à leur spécialité, la doxa en BU étant qu’il n’est pas utile de connaître la matière dont traite sa bibliothèque car la “bibliothéconomie” ou “sciences des bibliothèques” suffira pour tout gérer très bien et faire de belles acquisitions.
    Vous aurez compris que je ne suis pas d’accord et que j’ai l’impression que tout cela est un paravent pour protéger la profession (dominée par des managers) et éviter de trop s’embêter à acquérir une culture académique.

    2/Les enseignants-chercheurs se f… des bibliothèques comme de leur première chemise. Il est très difficile de les impliquer dans son fonctionnement et il faut même se battre pour obtenir les bibliographies qu’ils distribuent à leurs étudiants. Après plus d’un an en poste, j’ai rencontré 15% des EC de ma fac et j’ai des réponses – par ailleurs souriantes – du type “je n’ai pas besoin de venir chez vous, j’ai tous les livres dont j’ai besoin chez moi” (rappel : ma bib = 80 000 volumes, 600 périodiques vivants n’existant que sur papier)

    Ajoutons à cela le manque de personnel qui empêche de passer le temps qu’on voudrait à repérer les manques de notre fonds (ce qui n’est pas évident), les vols de lecteurs indélicats, l’incurie des éditeurs qui ne rééditent pas certains livres pourtant très demandés, la pensée dominante qui veut qu’une bibliothèque soit un lieu de services – d’où parfois un certain relâchement de la gestion des collections…

    N’hésitez en tout cas pas à parler, à demander, voire à râler ! D’abord auprès de vos bibliothécaires, ravis d’avoir enfin un interlocuteur. Ensuite auprès de vos UFR voire du VPE, du CS etc., pas toujours convaincus de l’importance des bibliothèques dans la vie d’une université.
    Un élément révélateur de cela : la bibliothèque est souvent classée dans la rubrique “recherche” des sites internet des universités américaines et “vie étudiante” des françaises [sigh]

  2. Pour ce que j’en sais, pour ce que j’en vois: désintérêt très net des EC pour les BU. Responsabilité partagée je pense :

    – depuis la disparition progressive des bibliothèques de section dans beaucoup d’université, qui souvent aussi des lieux de proximité et de convivialité. Les BU peinent à proposer des lieux et des services utiles, agréables et efficaces, avec par exemples des labos intégrés dans les Bu (ou des BU intégrées dans les labos). exemple typique: le curapp à l’UPJV (et encore, c’est une petite fac). Mais le problème se pose également pour les Bu qui souhaitent (parfois contre les EC de l’université) proposer des lieux de convivialité pour les étudiants en L.

    – parce que les EC pour la plupart se désintéressent de la BU dans ce qu’elle peut avoir de pédagogique (et non pas seulement comme un lieu de recherche). Mais de la même manière, les bibliothécaires ont tendance à déléguer les formations aux ressources des BU destinées aux L1 à des moniteurs étudiants ou à des PRCE, et à garder les seconds cycles.

  3. Merci pour ces commentaires ! RM, votre expérience est très instructive et semble recouper la mienne et celle de l’autre commentaire. Petit échantillon, certes, de gens prédisposés à l’exigence de surcroît, mais c’est testable à grande échelle. Le billet-réponse d’Olivier Tacheau me semble attaquer le sujet d’un autre angle que celui des moyens.

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